Au Mali un général « 4 étoiles » conduit manu militari devant une justice sans étoile

Article : Au Mali un général « 4 étoiles » conduit manu militari devant une justice sans étoile
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27 novembre 2013

Au Mali un général « 4 étoiles » conduit manu militari devant une justice sans étoile

Dans cette matinée du 27  novembre 2013, l’actualité du continent africain était marquée par le nom d’un général, pas n’importe lequel, un général 4 « étoiles » du côté de Bamako : le général Amadou Sanogo. Les dépêches des différents médias nous ont d’abord informés de son interpellation, puis de son inculpation pour assassinats et complicité d’assassinats. Comment en sommes-nous arrivés là ? Où va la justice malienne ?

Le 22 mars 2012, alors que les groupes islamistes et les rebelles touaregs avaient entamé une progression fulgurante vers Bamako, un groupe de jeunes officiers et hommes du rang issus du corps des bérets verts renversent le président Amadou Toumani Touré. A la tête des putschistes l’obscur capitaine Amadou Sanogo : le Mali est alors plongé dans deux graves crises. Pour en sortir, la communauté internationale s’active, la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) notamment, mais l’on s’active aussi à l’interne. C’est ainsi que le 30 avril 2012 des militaires parachutistes communément appelés bérets rouges ont tenté sans succès un contre coup d’Etat. Cet échec s’est soldé par l’arrestation de plusieurs dizaines de ces bérets rouges. Certains seront torturés à l’électricité, d’autres sommairement exécutés ou portés disparus. Après quoi le 22 mai 2012 un accord international sous l’égide de la Cédéao a accordé au capitaine Sanogo le statut de chef d’Etat.

Clopin-clopant le Mali est sorti de la crise par la voie des élections avec l’accession au pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keita. Bien avant l’opération Serval est passée par là, et pendant ce temps loin des champs de combats le capitaine Sanogo a été promu au grade de général de corps d’armée. En fin septembre 2013, une mutinerie a éclaté dans le camp de Kati où le général régnait en maître absolu, ses compagnons réclamant eux aussi des promotions. A la suite de cette mutinerie, certains militaires mutins ou leurs proches ont disparu. D’autres ont été retrouvés morts, alors que d’autres encore auraient été torturés à l’électricité. Les autorités maliennes ont alors demandé au général Sanogo  de quitter son fief de Kati, il s’exécuta rapidement. Que d’incohérences, que de zones d’ombre, que d’épisodes macabres dans l’histoire récente du Mali.

Pendant ce temps la justice malienne semble vouloir sortir de sa torpeur d’antan, elle s’intéresse notamment au général Sanogo. Des proches du chef de l’ex-junte sont notamment soupçonnés de crimes et de tortures. Le général est convoqué devant la justice le 19 novembre 2013,  mais il ne s’est pas présenté à ce rendez-vous, évoquant son statut d’ancien chef d’Etat qui lui donne droit à des égards. Ce refus m suscita beaucoup de réactions, au nombre desquelles celle du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR). Amadou Koita le porte-parole de cette coalition déclara : « Nous sommes profondément indignés du refus du capitaine Sanogo de répondre à la convocation du juge d’instruction (…) mais également de la complaisance du gouvernement ».

Le général Sanogo a été interpellé mercredi 27 novembre à Bamako par plusieurs dizaines de soldats.  En milieu d’après-midi, après un interrogatoire le juge Yaya Karembe l’a inculpé  pour assassinats et complicité d’assassinats. Qu’est-ce qui arrive à l’ex-homme fort de Kati ? On apprend qu’il doit-être détenu dans un lieu secret pour raisons de sécurité. Ce qui est sûr le gradé « 4 étoiles » est désormais devant une justice sans étoile.

A l’instar de la plupart des pays de la sous-région, la justice malienne est une plaie, un obstacle sur les sentiers de la bonne gouvernance. Espérons que cette justice se réveille et fasse son travail comme l’a dit l’entourage du juge d’instruction Yaya Karembe : « Nul n’est au-dessus de la loi au Mali… ». Il faut que cette affirmation se concrétise au profit de toutes les victimes. En effet le général Sanogo  est loin d’être le premier, encore moins le seul contre qui pèsent des soupçons de crimes au Mali. Que ce soit dans l’armée, les groupes rebelles,  l’administration et dans la classe politique, il existe de nombreuses brebis galeuses. La justice doit se donner les moyens pour rendre justice à tous, car  des procédures ou poursuites partiales pourraient fortement handicaper la marche de la jeune démocratie malienne.

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Commentaires

DEBELLAHI
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Merci pour cet article, tout à fait pertinent. C'est la justice qui doit non pas briller comme les étoiles météoritiques du capitaine très général, mais rayonner comme un soleil de midi. Espérons que ça soit le début "véritable" de la fin de l'impunité et de l'immunité injustifiable et injustifiée. La justice doit maintenant s'exercer dans toute sa rigueur, mais aussi son équité. Il faut que les comploteurs, putschistes, récidivistes, salauds et fumistes, laissent leurs peuples évoluer avec la progression naturelle du monde. J'ai déjà mentionné sur un article de l'Etudiant Malien? que si on ne présentait pas SANOGHO devant le juge qui l'a convoqué, le pouvoir au Mali en pâtira. Bravo!

bamada
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Sanogo et Robert Guei ont ce même coté dramatique par le fait qu ils ont tous les deux finis mal