Côte d’Ivoire : Avant de penser aux « Etats généraux de la République », organisez d’abord les « Etats généraux de la refondation »

Article : Côte d’Ivoire : Avant de penser aux « Etats généraux de la République », organisez d’abord les « Etats généraux de la refondation »
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19 décembre 2013

Côte d’Ivoire : Avant de penser aux « Etats généraux de la République », organisez d’abord les « Etats généraux de la refondation »

Depuis quelques jours l’on parle d’un remède miracle sur les bords de la lagune Ebrié, celui-ci selon ses prometteurs est censé nous ramener à une Côte d’Ivoire réconciliée. En effet dans un document de 33 pages, le Front Populaire Ivoirien a dévoilé un projet baptisé  » Réconciliation nationale en Côte d’Ivoire, Dialogue politique et États généraux de la République« . Ce document décrit selon l’ancien parti au pouvoir la situation actuelle du pays et défends l’organisation des Etats généraux de la République comme l’ultime solution. A priori cette démarche du FPI est salutaire, mais comment ne pas s’interroger sur la sincérité de ces personnes qui veulent balayer devant la porte de leurs voisins tandis que les ordures ont élu domicile dans leur chambre ?

C’est le 7 septembre 2013, lors de la passation de charge entre lui et son intérimaire Miaka OURETO, que Pascal Affi N’GUESSAN avait brandi cette idée. Pour  le Président du FPI, cette proposition de forum national inclusif faite au pouvoir Ivoirien est le seul moyen de ramener la réconciliation entre les Ivoiriens et la paix en Côte d’Ivoire après la crise post-électorale de 2011. A cette offre du FPI, le Président Alassane OUATTARA a déclaré ne pas percevoir l’intérêt de ce projet, si bien qu’il a invité le FPI à se mettre au travail : « Je voulais que les journaux les informe, qu’ils se mettent au travail. Ce serait plus utile que de vouloir faire des réunions. Les ivoiriens veulent leur amélioration du quotidien, des mesures, des infrastructures, la cohésion nationale, le rassemblement. Mettons nous tous au travail, plutôt que d’avoir des partis politiques qui vont se réunir pour bavarder et distraire tout le monde… Le FPI gagnerait à préparer les élections de 2015. ».  Voilà une réponse qui a le mérite d’être claire, sans faux-fuyants. En effet rares sont les observateurs de la scène politique Ivoirienne qui accorde du crédit à cette nouvelle trouvaille du FPI.

Avant toute chose il faut ramener le FPI à son bilan

Pour ma part, j’estime que le FPI se trompe sciemment ou inconsciemment de priorité. Avant de voler au secours du Président comme le prétend Affi N’GUESSAN, il aurait fallu voler d’abord au secours du FPI. Je suis de ceux qui réclament un bilan honnête des refondateurs du FPI qui ont porté Laurent Gbagbo, au pouvoir en octobre 2000. Quel est le résultat de leur gestion du pouvoir politique, économique et institutionnelle ? Que reste-il des dix années qu’ils ont passées à la tête de la Côte d’Ivoire ? Nous avons le droit d’exiger d’eux le bilan des actions qu’ils disent avoir mené pour le bien des ivoiriens. Des milliers d’Ivoiriens sont morts dans les pogroms et une chasse à l’homme dans lesquels des femmes furent violées, des hommes furent égorgés comme du bétail. D’autres furent brûler vifs sur le bûcher de la haine interethniques. Beaucoup d’ivoiriens ont perdu leurs biens, maisons plantations et autres. On ne peut pas passer tout cela par perte et profit dans une sorte de règle comptable sans aucune explication. Tous ces morts, toutes ces victimes nous interpellent pour que le Président de la République de l’époque et ses amis frondeurs, frontistes et refondateurs donnent des explications aux ivoiriens. Le FPI doit s’expliquer, et répondre à nos questions :

– L’une des grandes questions que je me pose aujourd’hui encore, est de savoir s’il était vraiment utile de rompre les équilibres fragiles de la nation pour promouvoir une identité nationale ivoirienne ou ivoiritaire? Quel sens donner au silence du FPI devant les tracasseries administratives dont étaient victimes des ivoiriens originaires du nord de la Côte d’Ivoire ?

– N’était-il pas plus simple de poser le problème de la nationalité et de le résoudre dans un dialogue national utile pour que les conditions d’attribution de la nationalité ne conduisent pas le pays à une guerre fratricide et inutile ?

– Les concours d’entrées à l’ENA, qui se vendent et s’achètent à la vue et au su de tous au point ou le Président GBAGBO, est allé lui-même sur les lieux pour dénoncer cette forfaiture. Ne pouvait-il pas diligenter une enquête et arrêter tous ces truands pour les livrer à la justice ?

– Les concours de l’école de police ou les 75% des candidats admis appartiennent curieusement au groupe ethnique bété est sous nos yeux pour étaler les turpitudes d’une refondation atteinte par cette maladie égoïste et ethnocentriste que nous avons reproché en son temps au PDCI-RDA.
– Pourquoi n’avoir pas renégocié en douceur les accords de coopération avec la France au lieu d’une attaque frontale avec un adversaire dont on connaît la capacité de nuisance ?

– Concernant les déchets toxiques. C’est quand même incroyable que ce soit en Côte d’ Ivoire qu’un bateau que personne ne voulait dans son port arrive à Abidjan pour y déverser son poison pour contaminer et tuer les ivoiriens dans un laisser faire total des autorités. C’est cela la refondation qui veut encore solliciter les suffrages des ivoiriens ? Soyons sérieux messieurs les refondateurs.

– Je trouve choquant le fait que jusqu’aujourd’hui, on ne sait pas encore avec exactitude qui est le propriétaire de la société Tommy, qui était le destinataire abidjanais des déchets toxiques. C’est quand même incroyable. Quel est donc ce pays bizarre où on peut aller déverser du poison et tuer gratuitement des familles entières dans une opacité totale?

Est-ce de la négligence, de la naïveté ou alors de l’inconscience ? Affi N’GUESSAN et Les refondateurs doivent chercher eux-mêmes les réponses qui conviennent pour expliquer cette situation paradoxale qui a terni une bonne partie de leur crédibilité politique auprès des populations.

Pensent-ils nous embarquer dans une autre aventure sans un début de réponse à tous ces questionnements ?

Que devient alors le dialogue direct ?

Il ne faut pas se tromper sur le compte du Front populaire ivoirien (FPI). Ce parti qui excelle dans le jeu du boulanger qui roule ses adversaires dans la farine ne changera pas. En effet, depuis la fin de la crise postélectorale, le parti à la rose ruse avec le processus de paix et de réconciliation nationale en volant de trouvailles et trouvailles. Invité, en effet, dans le Cadre permanent de dialogue, creuset d’échanges et de discussions entre le gouvernement et l’opposition pour trouver des solutions aux problèmes politiques, l’ancien parti au pouvoir a refusé la table de négociation. Raison évoquée : le FPI, selon son président intérimaire d’alors, Miaka OURETO est le «principal parti d’opposition» qui ne doit pas être traité au même titre que les « petits » partis. Le parti bleu a donc exigé et obtenu un dialogue direct avec le pouvoir. A côté des négociations du cadre permanent de dialogue où siègent 11 partis de l’opposition, le gouvernent a initié des pourparlers avec l’ex-parti au pouvoir. A la fin du mois de janvier 2013, les deux parties se sont retrouvées pour mettre en place des commissions qui ont planché sur les questions relatives à la sécurité, au jeu démocratique, à l’Etat de droit et à la réconciliation nationale. Alors que les choses avançaient bien, les négociateurs du FPI qui ne voulaient certainement pas qu’elles aboutissent ont appuyé sur le bouton de la mauvaise foi. Et le dialogue s’est noyé dans le fleuve des préalables des anciens dirigeants de la Côte d’Ivoire. En plus de réclamer une amnistie générale à l’effet de libérer tous les prisonniers de la crise postélectorale, le FPI a exigé la nomination d’un médiateur. Au quel cas, il claque la porte. Le dialogue direct comme espéraient les envoyés de la maison bleue a pris du plomb dans l’aile et a même été rompu. Pendant que pour le pouvoir il est question de remettre les discussions au gout de jour, Affi N’GUESSAN, qui a repris, après sa sortie de prison, le fauteuil de président du parti créé par l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, a remis tout en cause. Avant de sortir de son chapeau « les états généraux de la République ». Attendu donc le mardi 24 septembre à la primature pour la reprise du dialogue, il a brillé par son absence. Laissant la main à Dano DJEDJE de conduire la délégation du FPI. Dans cette veine, que fait-on de ce dialogue direct ? Les états généraux de la République doivent-ils se tenir sur ses cendres? «D’un côté, nous continuons le dialogue direct, pour régler les conséquences liées à la crise que nous avons connue de l’autre côté, nous proposons l’ouverture d’un débat national, les états généraux de la République pour débattre des problèmes beaucoup plus en profondeur », a tenté de répondre Dano DJEDJE. Une pirouette qui ne tient visiblement pas la route. Pourquoi vouloir autant de tribunes pour régler des problèmes déjà connus? Sommes-nous encore dans la diversion ? Les interrogations fusent devant l’idée et surtout les manœuvres du FPI et de son président. En tout cas, Il s’agit d’être sincère sur le chemin de la restauration de la paix en Côte d’Ivoire et non de tourner en rond avec une multitude de tribunes. (1)

L’instauration du dialogue direct entre FPI et le Gouvernement a été un long parcours, et j’ai été de ceux qui ont appuyé cette proposition du FPI, croyant en la sincérité des refondateurs. Mais hélas, le chien ne change jamais sa manière de s’asseoir, ce parti à procéder ainsi depuis sa création.

Pour finir, je rappellerai à nos frères du FPI, que la charité bien ordonnée doit commencer par soi-même. Il doit en être ainsi pour les Etats généraux. Avant de penser aux Etats généraux de la République, il urge d’organiser les Etats généraux de la refondation.

– Les refondateurs nous avaient promis d’organiser une vie de dignité chez nous. À travers l’organisation de notre propre activité de production pour bâtir une nation en notre faveur. Nous y avons crus et ils ne furent même pas capables de retirer les ordures ménagères de nos rues. Le district d’Abidjan et les mairies se disputaient comme des chiffonniers sur les compétences et le financement de la collecte des ordures qui pourrissaient sous nos yeux pendant des mois et des années.

– La refondation nous avait promis de faire en sorte que la richesse nationale, déjà insuffisante, produite par la majorité de la population, ne soit plus accaparée par une minorité, dont le niveau de vie insulte la pauvreté croissante du malheureux peuple ivoirien.

– Elle nous avait promis la fin du racket, du tripatouillage, de la magouille politico affairiste, les surfacturations, les attributions de contrats d’Etat sans appels d’offres. Et pourtant le contrat avec l’opérateur SAGEM, avait été attribué sans appel d’offre. Les refondateurs se sont coupés du peuple qui les a élu pour habiter le cite paradisiaque de l’île Boulay, ils ont fait étalage de résidences et de voitures luxueuses en peu de temps dans un pays où la majorité des citoyens ont de la peine à manger, n’était-ce pas une indécence qui frôle l’inconscience et trahit en même temps les idéaux de la refondation Gbagboïste qui nous promettait le paradis sur terre ?

– Nous avons voulu croire que l’université sous le régime de la refondation sera un lieu de socialisation, un lieu de liberté, de formation et de diffusion du savoir, un lieu de promotion de la recherche scientifique et technique elle fut malheureusement un stade d’affrontement, de conflits fratricides et autres combats sanglants à la machette où des bûchers d’inquisition y étaient élevés pour brûler ou tuer ceux qui avaient le malheur de penser autrement.

– Les refondateurs sur le terrain de la gestion des ressources agricoles et financière pouvaient éviter à notre pays le minable laxisme l’amateurisme indigne de la bande de copains dans la gestion de la filière Café, cacao. Cela reste et demeure pour nous tous une gabegie impardonnable.

Allons aux Etats généraux de la refondation, maintenant !!! . Le FPI y gagnera en premier, les ivoiriens seront soulagés, et la Côte d’Ivoire aura enfin la force pour tourner cette page sombre.

 Tawakkal

 Note:

(1):  Ce paragraphe intitulé « Que devient alors le dialogue direct? » est une contribution de M. Lacina OUATTARA dans les colonnes du quotidien « Le Patriote »

 

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